Un maire défend nos campagnes
Après des plaintes contre les cloches des vaches, les clochers de village, le chant des cigales et autres abbérations, c’est le coup de gueule d’un homme révolté nous apprend Actu.fr. D’un maire des campagnes. Bruno Dionis du Séjour, premier magistrat de Gajac, petite commune de 390 habitants à 70 kilomètres au sud de Bordeaux (Gironde), a pris sa plume pour formuler une demande atypique.
Il réclame que plusieurs bruits ruraux « soient proclamés patrimoine national » :
– le chant du coq
– l’aboiement familier du chien
– la cloche de l’église
– le meuglement des vaches
– le braiment de l’âne
– le pépiement des oiseaux
Une démarche très sérieuse pour ce maire, fervent défenseur de l’agriculture et du terroir.
L’élu local, qui a longtemps tenu une exploitation de vaches laitières et d’oies grises du Sud-Ouest, a diffusé sa missive dans le journal municipal. Il l’a également transmise aux parlementaires du territoire.
Dans ce courrier, Bruno Dionis du Séjour se fait l’avocat des petites communes et de leur mode de vie.
Ces dernières sont contraintes, d’après lui, de s’adapter aux nouveaux habitants arrivant des grandes villes. Et l’intéressé n’y va pas par quatre chemins…
Quitte à faire dans la provocation lorsqu’il évoque les urbains découvrant le terroir et « que les œufs ne se cueillent pas sur les arbres » : « Tout cela est de bonne guerre. J’avais quelque chose sur le cœur. Je me devais de le dire. »
Le point de départ ? C’est la lecture des journaux et les affaires de conflit entre des mairies et des nouveaux habitants :
Cela me révolte. Il y a peu, dans un petit village de Dordogne, des personnes qui viennent de la ville ont mis en procès la commune car les cloches sonnaient. Tout cela me met hors de moi.
« Si vous allez habiter à la ville et qu’il y a un feu rouge devant chez vous, vous le prenez, enchaîne le maire de Gajac. Pourquoi ce ne serait pas pareil à la campagne ? Pourquoi certains refusent de s’adapter ? Le monde ne tourne pas autour de nos petites personnes. Il faut savoir accepter les contraintes de nos villes, mais aussi de nos campagnes ».
Bruno Dionis du Séjour appelle à la raison : « Les ruraux n’ont jamais fait de mal à personne. Et des gens, qui arrivent de l’extérieur, débarquent en disant : « Votre vie d’avant ne nous plaît pas. On va vous obliger d’en changer ! » Le pire, c’est que bien souvent, les petites communes se retrouvent face à des emmerdeurs qui vont jusqu’au bout, des procéduriers qui ont les moyens. C’est le pot de terre contre le pot de fer. »
Une question reste en suspens : quel effet le courrier du maire de Gajac aura-t-il ? Difficile à dire.
Mais Bruno Dionis du Séjour a déjà reçu de nombreux retours, tous positifs :
Quand ma femme va au marché, témoigne-t-il, elle se fait arrêter par tout le monde. Les gens lui disent qu’il se reconnaissent dans ce que j’ai écrit. Les gens de la ville doivent comprendre qu’on ne maîtrise pas le chant du coq en appuyant sur un bouton, comme sur une chaîne stéréo
Publiée dans les colonnes du Républicain Sud-Gironde, le 9 mai dernier, la lettre de Bruno Dionis du Séjour jouit désormais d’un écho considérable.
🐮 🐓 ⛪ Le chant du coq, le meuglement de la vache, les cloches de l’Eglise… tous ces sons évocateurs de nos campagnes mériteraient d’être reconnus au patrimoine national.
C’est en tout cas le souhait du maire de Gajac, commune de 400 habitants ⤵️@MA2TBE2L #Europe1 pic.twitter.com/xHEjWUIxch
— Europe 1 📻 (@Europe1) 24 mai 2019
Rapidement, le maire de Gajac a reçu des soutiens. Comme celui d’Yves d’Amécourt. Le maire de Sauveterre-de-Guyenne (Gironde) et sénateur (Les Républicains) s’est exprimé sur les réseaux sociaux pour afficher son « total soutien » à son homologue.
Total soutien à Bruno Dionis du Séjour, Maire de Gajac(33), qui demande que le chant du coq, le meuglement des vaches, les cloches qui sonnent et d’autres bruits de campagne soient inscrits au patrimoine national : « Les petites communes se retrouvent face à des emmerdeurs ! »
— Yves d'Amécourt (@yvesdamecourt) 9 mai 2019
Et l’affaire ne devrait pas en rester là. Un député de Lozère, Pierre Morel-À-L’Huissier, a assuré au Figaro son désir de « déposer une proposition de loi en ce sens sous forme de résolution d’ici à une dizaine de jours ».
Reste à savoir si tout cela aboutira… Les élus engagés dans la démarche pourront s’appuyer sur la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco.
L’article 11 précise, en effet, qu’il ‘appartient à chaque État partie de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel présent sur son territoire ».